C’était le 19 janvier dernier que s’ouvrait une nouvelle session des Danseurs/Chorégraphes à l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille.
Cette manifestation à lieu tous les trois-quatre ans et permet aux danseurs du ballet de l’Opéra de Paris qui le souhaitent de créer et présenter au public de l’Opéra une de leurs œuvres.
En cette période de creux dans la programmation de la danse, cette manifestation était la bienvenue et l’occasion de voir les danseurs de l’Opéra autrement.
A la base, c’était mal partit ! Trop de boulot, trop de choses à faire… je n’avais aucune envie de me rendre à Paris. Arrivée devant Bastille, je me fais harponner par une multitude de personnes qui cherchent/vendent des billets pour Madame Butterfly ! Au milieu de tout ce monde, difficile de reconnaitre les quelques balletomanes venus s’enterrer à l’amphithéâtre.
Un petit tour par le guichet dans l’espoir de trouver des places pour Caligula. C’est fermé ! Décidément !
Le placement dans la salle est libre. C’est donc sagement que je mets à faire la queue comme au bon vieux temps où je pouvais encore aller aux pleins feux. Je suis orientée vers la file de gauche. Une fois dans la salle, je vois le message de Fab m’indiquant qu’elle est dans la file de droite ! Décidément les bloggeuses ont du mal à caler leurs rendez-vous !
Quelques impressions maintenant sur le spectacle en lui-même. Le fait que cela se passe à l’amphithéâtre est intéressant. Cela nous permet d’être très proche des danseurs ce qui est toujours impressionnant.
El fuego de la pasion (Allister Madin)
Musiques CARLOS GARDEL, ALFREDO LEPERA (Por Una Cabeza, interprété par Laurent Korcia, extrait de son album Cinéma - © EMI Classics) ; GOTAN PROJECT (Diferente, extrait de l’album Lunático -© ¡ Ya Basta ! 2006)
avec : Caroline BANCE et Allister MADIN
Petit mot du chorégraphe :
« Une jeune femme élégante arrive seule dans un bar à une heure avancée de la nuit. Elle s'installe au comptoir, visiblement prête à mettre de côté l'aspect routinier de sa vie et se réinventer l'espace d'un soir. Un homme la regarde… Pas de deux réel ou rêvé ? Construit en deux temps, deux ambiances, il symbolise le conflit intérieur entre raison et passion, le besoin pour tout un chacun d’écouter ses émotions et d’aller à la rencontre de l’autre malgré la peur de s’exposer. La danse aux lignes néo-classiques et contemporaines se laisse emporter par une énergie toute hispanique. »
C’est donc le tout nouveau sujet Allister Madin qui ouvrait le bal avec sa première création.
Ambiance hispanique et tango passionné au programme. Les deux interprètes (surtout le chorégraphe) sont très à l’aise dans ce style. Néanmoins, il m’est resté comme une impression de déjà vu. L’ensemble n’était pas très original tant au niveau de l’argument que des mouvements.
Myriam Kamionka et Allister Madin
Melancholia Splenica (Florent Melac)
Musiques DERU (Goodbye extrait de l’album Say Goodbye to Useless – © Tag 2010), ALVA NOTO +RYUICHI SAKAMOTO (Moon extrait de l’album Insen – © Raster-Noton 2005)
avec
Charlotte RANSON, Silvia Cristel SAINT MARTIN, Julien MEYZINDI, Maxime THOMAS
Mot du chorégraphe :
« La sensation du mouvement et la musique sont les éléments majeurs qui déterminent mon cheminement chorégraphique. Indissociables l’un de l’autre, ils déterminent une atmosphère originale, une authenticité que je veux souligner en évitant tout décor ou costumes. Cette création est conçue comme une étude sur la recherche du mouvement le plus juste, la poursuite d’une esthétique à la fois contemporaine et aux lignes classiques. La danse y voyage entre le chaud et le froid, passant d'un univers cotonneux à une dimension plus inquiétante et abstraite. Si la joie peut être un moment de la Beauté, elle n’en est le plus souvent qu’un des ornements mes plus vulgaires, tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l’illustre compagne. »
Déjà une deuxième création pour ce tout jeune danseur qui a l’air de savoir où il va.
On sent dans sa pièce une grande influence de Wayne McGregor. Les costumes rappellent ceux de Genus (une de mes voisines me soutenait que c’était les mêmes mais je ne pense pas). La musique, la gestuelle même la structure de la pièce… Toutefois c’est plein de trouvailles et de choses intéressantes. Les mouvements s’enchaînent bien, sont cohérents. C’est très mature pour un chorégraphe aussi jeune et promet pour la suite.
Florent Melac et Sylvia-Crystel Saint-Martin
Le pressentiment du vide (Lydie Vareilhes)
Musiques KATELYN DUTY Here’s the Hurt (extrait de Oshtali – Music for String Quartet – © Chickasaw Student composers, 2010), JOHANN SEBASTIAN BACH, Gigue (extrait de Partita n°6 en mi mineur BMW 830)
avec
Letizia GALLONI
Mot de la chorégraphe :
« L’isolement n’est pas la solitude absolue, qui est cosmique ; l’autre solitude, la petite solitude n’est que sociale. » Extrait du Solitaire A partir du Solitaire, seul roman écrit et publié par Eugène Ionesco en 1973, Lydie Vareilhes à imaginé une pièce pour un(e) danseur(se).
« Ce solo traduit l'introspection d'un individu - pouvant être aussi bien un homme qu'une femme - face au vertige existentiel que provoque chez lui l'impuissance à concevoir la finitude et l'infinitude. Ses rares tentatives pour combler un vide, sont veines car, en vérité, il se complaît dans la solitude. Elle permet à son imaginaire de composer un autre monde, altérant ainsi sa perception des autres, avant de le mettre finalement face à la réalité. »
Je dois le dire, ce solo m’a plongé dans un abîme de perplexité ! Je n’ai pas compris ce que la chorégraphe cherchait à nous dire. La gestuelle était assez floue. C’était très court et en même temps cela semblait long…
Bless, ainsi soit-IL (Bruno Bouché)
Musiques JOHANN SEBASTIAN BACH, Chaconne en ré mineur pour piano (extrait de Violin Partita n°2 BWV 1004, transcrite par Ferrucio Busconi et interprétée par Hélène Grimaud- © Deutsche Grammophon, 2008)
avec
Aurélien HOUETTE et Erwan LE ROUX
Mot du chorégraphe :
« La Lutte de Jacob avec l’Ange, l’œuvre d’Eugène Delacroix peinte sur les murs de l'église Saint-Sulpice me regarde plus que je ne la regarde. Faut-il voir dans cette lutte une allégorie du combat de l'homme face aux forces qui le dépassent ? Elle me regarde au creux même de ma nuit, de cette passion que je crois fuir ‘sans bouger dans d'immenses efforts’, comme l’écrit Baudelaire. »
Une des pièces les plus abouties de la soirée crée par un chorégraphe, il est vrai, très expérimenté.
Erwan Le Roux, en noir, campe un homme en souffrance alors qu’Aurélien Houette, en blanc, est une présence plus sereine qui domine complètement.
La chorégraphie était très belle, très forte, avec de beaux portés qui nécessitaient une confiance parfaite en son partenaire avec beaucoup de rapports de force.
Les deux interprètes étaient vraiment investit et se sont taillés un beau succès.
Fugitif (Sébastien Bertaud)
Musiques OLIVIER DOERELL, STEPHAN WHÔHRMANN (SWOD) (Patinage extrait de l’album Sekunden - © Hausmusik, 2007 ; Fugitif 1, extrait de l’album Gehen - © Haumusik, 2004)
Création vidéo HÉLÉNA BERTAUD
avec
Laurène LEVY, Sébastien BERTAUD ERTAUD, Axel IBOT et Daniel STOKES
Mot du chorégraphe :
« Fugitif questionne la danse classique dans une perspective contemporaine. L'espace scénique est ici numérisé, et approfondi par les projections vidéo qui se superposent aux différents trios, solo, duo et quatuor qui composent cette chorégraphie intimiste basée sur la fluidité, la musicalité et l'émotion. Fugitif comme un instant, un regard, une sensation… »
Cette création commençait bien avec un quatuor de danseurs que j’aime énormément. Ils n’ont pas déçus et se sont beaucoup investits dans cette pièce.
La chorégraphie, où l’on sentait également l’influence de McGregor (mais plus je pense à cause de la présence de Laurène Lévy), était très bien construite. Le trio masculin du début était réussit.
Une belle œuvre à revoir.
Lydie Vareilhes et Sébatsien Bertaud
Nocturne (Nans Pierson)
Musique FREDERIC CHOPIN (Nocturne n°2 en mi bémol)
avec
Juliette HILAIRE , Alexandre GASSE
Pianiste Pierre Arthur RAVEAU
Mot du chorégraphe :
« C’est la sphère intime d’un couple dans un reste de lumière, Isolé dans l’immensité énigmatique de l’univers, Et un Nocturne de Chopin pour l’emmener au bout de la nuit. »
Trois personnes arrivent sur scène avec des masques à oxygène sur le visage au milieu de sons difficilement écoutables. On se demande bien où on est tombé !!
Puis, Pierre-Arthur Raveau se met au piano et débute un nocturne de Chopin.
Les deux danseurs évoluent ensemble dans un monde post apocalyptique où l’air est devenu irrespirable. Ils enlèvent furtivement leur masque le temps d’un baiser jusqu’à ce que l’homme soit lassé de cette situation.
L’argument du ballet est original est recherché. En à peine 10 minutes, Nans Pierson réussit à nous planter un décor, imposer un univers et compter une vraie histoire avec un début, un milieu et une fin.
Dommage toutefois que la chorégraphie ne soit pas plus développée. Il y a pas mal de répétitions. Toutefois l’idée de base est bonne ce qui pourra donner de belles choses par la suite.
Près de toi (Myriam Kamionka assistée de Franck Berjont)
Création musicale DJ MYST 22 et SEBASTIEN H
Costumes KEN OKADA
avec
Marine GANIO et Mathieu GANIO
Mot de la chorégraphe :
« L’idée de cette chorégraphie nous est venue de la contemplation de nos propres enfants et de leur relation qui nous touche et nous interpelle. Être frère et sœur est une chose singulière, forte, intime. Regarder cette relation, c’est découvrir une bulle, un univers qui fonctionne avec ses propres repères, ses émotions, s’invente chemin faisant à la fois dans et hors du lien parental. A cette histoire, s’est ajoutée la rencontre de Mathieu et Marine Ganio, autres frère et sœur, enfants de danseurs, aujourd’hui devenus interprètes. Nous avons voulu à notre tour écouter et interroger ce lien et c’est aujourd’hui à eux que nous dédions cette chorégraphie, fruit d’un véritable travail commun avec l’ensemble des créateurs. »
Cette pièce était très attendue avec pour la première fois sur scène un pas de deux entre les frères et sœurs Ganio.
Au final, même si l’esthétique et la chorégraphie sont très travaillées, il m’est resté une impression de flou, de ne pas avoir compris le propos de la chorégraphe.
Pourtant le sujet était riche. Faire danser ensemble un frère et une sœur… D’autant plus que Marine et Mathieu Ganio sont de très beaux interprètes. Ils ont d’ailleurs fait une très bonne prestation et semblaient heureux de partager la scène.
Au final, reste tout de même l’impression d’une occasion manquée.
Mathieu Ganio
Me2 (Samuel Murez)
Texte lu par l’auteur RAYMOND FEDERMAN
Musique THE MISTERS
avec
Takeru COSTE (me1) et Samuel MUREZ (me2)
Mot du chorégraphe :
« Inspiré du poème bilingue Me Too de Raymond Federman, me2 explore chorégraphiquement les thèmes abordés dans le texte - identité, dédoublement, schizophrénie, confusion - dans une pièce où la virtuosité du mouvement joue avec celle des mots. Raymond Federman, né en 1928 à Montrouge, fut le seul de sa famille à survivre à la rafle du Vel d’Hiv du 16 juillet 1942, grâce à sa mère qui le cacha dans un placard. Après une vie pleine d’aventures, réelles et inventées, il est décédé le 6 octobre 2009 à San Diego. Je souhaite dédier ces représentations de me2 à sa mémoire et suis heureux qu’il ait fait partie de ma vie.»
Ceux qui connaissent un peu le groupe de Samuel Murez connaissaient déjà Me2, ballet présenté à plusieurs reprises lors de galas.
Cette pièce a dynamité l’ambiance après quelques ballets plutôt posés.
Takeru Coste et Samuel Murez lui-même ont vraiment fait le show dans ce ballet très original. Mime, humour et utilisation complète de l’espace de l’amphithéâtre… j’ai passé un excellent moment. C’est fait avec générosité et le public leur a réservé l’un des plus beaux accueils de la soirée.
Samuel Murez et Takeru Coste
Narkissos (Malory Gaudion)
Musique ARVO PÄRT (Für Alina extrait de l’album Alina - © EMC, 1999)
avec
Mallory GAUDION
Mot du chorégraphe :
« Se libérer du regard des autres. Etre soi, seul et sans contrainte. Fuir une altérité impossible. Des verres épars s’échappent les vapeurs alcooliques qui portent le solo vers un Eden égoïste. Dans le miroir liquide et euphorisant, Narkissos se contemple, androgyne, extatique et libre. De l’autre côté de la frontière, il laisse dans le fond d’autres verres l’image vénéneuse et inquiétante. La « Métamorphose » n’est pas loin. De plus en plus enivré de lui-même, emporté par une ébriété chaotique et brutale, l’icône franchit la ligne, se regarde une ultime fois du haut de lui-même et sombre dans le dernier verre. »
Le contraste avec le pur délire de Me2 était assez violent !
Ambiance sombre avec ce ballet où Malory Gaudion évolue seul en scène avec à cour une ligne de verres à pied au sol.
J’ai été dans les cinq premières minutes assez fascinée par l’œuvre. J’avoue que je l’ai prise assez au premier degré. A la place de Narcisse contemplant son reflet, je voyais un alcoolique face à son addiction, mais ça me plaisait bien.
Puis, plus on avance, plus les gestes se répètent et cela traine en longueur. On se dit qu’il se fait tard et qu’on est quand même un peu fatigué ! Je pense que s’il y avait eu moitié moins de verres à renverser ça aurai été très bien.
Béatrice Martel et Malaury Gaudion
Ca tourne à l’amphi… (Béatrice Martel)
Musique CARLA BRUNI (Le toi du moi, Le plus beau du quartier, L’excessive, La Dernière minute, extraites de l’album « Quelqu’un m’a dit »– © Naïve 2002)
Costumes BÉATRICE MARTEL, MICHEL RONVAUX
avec
Isabelle CIARAVOLA, Amandine ALBISSON, Marion BARBEAU, Aubane PHILHILBERT, Pauline VERDUSEN, Jennifer VISCOCCHI et Lionel DELANOË, Mathieu BOTTO, Yann CHAILLOUX, Jean Baptiste CHAVIGNIER, Alexandre GASSE.
Mot de la chorégraphe :
« Clip campagne - Tapis d’amour, premier baiser Clip urbain - Banc de filles et beau gosse Clip noctambule - Trois accords façon fatale Clip clap – Trop poudrée… »
Changement total d’ambiance avec le ballet de Béatrice Martel. Un peu de légèreté pour terminer !
Nous sommes sur le tournage d’un court métrage où s’enchainent plusieurs clips à ambiances différentes.
Les chansons de Carla Bruni collent parfaitement à l’ambiance un peu kitch de l’’ensemble. Lionel Delanoë est parfait en metteur en scène un peu dépassé par les événements.
Le clip campagne était une bonne mise en bouche, assez frai et bien interprété.
Le clip urbain devait beaucoup à ses interprètes. Les 3 jeunes filles aux robes flashy étaient charmantes et Alexandre Gasse, excellent en beau gosse de service (« Alex t’es magnifique ! » « bah… je sais ! »).
Amandine Albisson était très à l’aise en starlette accompagnées de ses musiciens en ukulélé.
Pour clore le tout, Isabelle Ciaravola était parfaite d’autodérision en diva des plateaux.
Pas de grands moments de chorégraphie mais une bonne dose de bonne humeur.
Isabelle Ciaravola
En conclusion, on peut dire que je genre de soirée est une excellente initiative. Elle nous permet d’admirer des danseurs du corps de ballet dans des rôles de solistes mais aussi de découvrir d’autres facettes du talent de certain.
Même si tout n’est pas passionnant, il est toujours agréable de découvrir de nouvelles pièces.