Et voilà. Les représentations du mois de décembre se terminent doucement. Bien sûr il reste celles de ce soir avec la probable nomination de Josua Hoffalt sur Cendrillon mais aujourd'hui je vais revenir sur Onéguine.
J'avais gardé (sans vraiment le savoir) le meilleur pour la fin avec la distribution Ciaravola/Ganio vu deux fois. Seule différence dans les rôles, Fabien Révillon en Lenski le 28 décembre et Florian Magnenet le 30.
Il y a deux ans, lors de l'entrée du ballet au répertoire, j'avais été époustouflée par le couple Isabelle Ciaravola/Hervé Moreau qui restaient pour moi les meilleurs titulaires des rôles. C'est donc les yeux fermés que j'ai repris de places pour admirer à nouveau la belle étoile corse dans le rôle qui lui a valu sa nomination. Malheureusement Hervé Moreau a donné sa démission l'Opéra et c'est Mathieu Ganio qui a hérité du rôle d'Onéguine. J'avais du mal à l'y imaginer mais il a rapidement fait voler mes préjugés en éclats.
Le rideau portant les initiales de son héro s'ouvre donc sur un décor de campagne. Muriel Zusperreguy s'affaire autour de sa robe de bal pendant qu'Isabelle Ciaravola lit côté cour. La première danseuse campe une Olga plus discrète que ses camarades titulaires. Plus subtile également. Elle est très fraiche tout au long du premier acte et offre de jolis moments dans son passage avec les filles tout comme dans son pas de deux avec Lenski. J'en avais déjà parlé, Fabien Révillon est un Lenski très juvénile. Sa technique est sans faille et ses sauts d'une belle légèreté le font atterrir sans un bruit. Il reste toutefois assez en surface dans l'image du jeune premier. Florian Magnenet se révèle plus subtile dans son interprétation même si sa danse manque du brillant de celle de son camarade. On ne peut en même temps qu'admirer son endurance. Après une bonne dizaine de Cendrillon et quelques Onéguine, il est toujours présent au poste et se montre très bon partenaire.
Saluons aussi le corps de ballet qui se taille toujours un beau succès au premier acte avec notamment une double diagonale de grand jetés qui ne cesse d'impressionner.
Quelques secondes après Lenski c'est donc Onéguine qui arrive sur le plateau sous les traits de Mathieu Ganio. Le jeune homme campe un personnage assez différent des autres titulaire du rôle. Il apparait très mélancolique. Il a le sens des convenances et offre volontiers son bras à Tatiana qui elle est déjà complètement subjuguée par le personnage. Isabelle Ciaravola retranscrit très bien l'éveil amoureux de la jeune adolescente. Elle est en admiration total devant cet homme. Mais Onéguine a la tête ailleurs. Quelque chose le tourmente. On ne sait pas vraiment quoi mais cela a peu d'importance. La variation de Mathieu Ganio est très intéressante par la mélancolie qu'elle dégage. En quelque seconde, le monde autour de lui n'existe plus. Il est perdu dans ses pensées tandis que Tatiana continu de l'admirer tout en comprenant qu'il s'éloigne d'elle.
La scène du miroir est certainement l'une des très grande réussite de cette distribution. Tout d'abord, j'aime la façon dont Isabelle Ciaravola écrit cette lettre. Comme un petite fille, la tête appuyée sur son coude, un sourire rieur aux lèvres.
Le pas de deux qui suit nous montre que nous sommes bien en face de l'un des meilleurs partenariat de la série. Tout est fluide, les portés sont aisés, l'émotion est présente et les deux partenaires en totale osmose. Ils nous laissent avec des frissons pour aborder le deuxième acte.
Cette acte est évidemment celui du drame là où (presque) tout se passe. J'ai trouvé que le 30, la scène de danse du bal était très réussie. Muriel Zusperreguy et Florian Magnenet menaient la danse avec brio. Les quatre interprètes principaux étaient tous très juste.
La scène entre Tatiana et Onéguine était l'une des plus intéressantes que j'ai vu. Au début, on sent que Mathieu Ganio ne cherche pas à blesser Tatiana. Il a ce petit air qui veut dire "bon il, faut bien le faire, un mauvais moment à passer". C'est la réaction de Tatiana, son incompréhension, ses larmes qui vont l'exaspérer au point de provoquer son geste (il déchire la lettre qu'elle lui a écrite). La façon dont il a prend par les épaules à fin voulait plus dire "allez ressaisis toi" qu'autre chose.
Isabelle Ciaravola de son côté est dévastée par l'événement. J'aime sa réaction lorsqu'Onéguine la rejette tout comme son attitude dans sa danse avec le prince Grémine. J'avais été très gênée chez Aurélie Dupont par le large sourire qu'elle affichait dans ce moment si tragique. Elle semblait totalement sous le charme de son prince. Ici, Ciaravola le regarde à peine, elle essaye de digérer la nouvelle et a du mal à sauver les apparences.
Puis Onéguine franchement énervé par les complaintes de la jeune fille va entrainer le ballet dans le drame en entrainant Olga (la sœur de Tatiana donc) dans une danse effrénée. Muriel Zusperreguy campe un personnage beaucoup moins peste que Mathilde Froustey. Elle est plus insouciante et veut seulement s'amuser. Florian Magnenet est très juste dans sa réaction difficile de ne pas le plaindre.
Il offre également une très jolie variation dans la seconde partie de l'acte. Encore une fois, elle est moins impressionnante que celle de Fabien Révillon (quoique c'est moins frappant sur ce passage) mais plus touchante. Josua Hoffalt restera quand le Lenski le complet et juste de la série.
Onéguine ressort donc victorieux du duel au pistolet. Dans ce passage j'aime beaucoup observer les réactions l'Olga et Tatiana. Toutes deux étaient très juste. Après un instant d'effroi, Tatiana se précipite sur sa sœur avant de jeter un regard des plus glaçant au survivant. Un beaux moment pour conclure la scène.
Troisième acte nouvelle scène de bal. Nous sommes cette fois chez le prince Grémine, 10 ans plus tard. Alors que tout le monde s'amuse bien, voilà Onéguine et ses remords qui arrivent pour apporter une nouvelle fois un peu plus de drame. Mathieu Ganio est très touchant tout au long de la scène. Au fil du ballet, son Onéguine n'aura jamais été vraiment détestable. C'est simplement un être torturé incapable d'être heureux et qui créé son propre malheur.
Son regard lors du pas de deux de Tatiana et Grémine est très touchant. Ce passage est toujours très intéressant pour voir quel genre de Tatiana nous avons en face de nous. Toutes n'ont pas la même attitude face à leur mari. On sentait Clairemarie Osta profondément amoureuse même si c'était un amour moins passionnel. Chez Isabelle Ciaravola on sent également beaucoup d'affection mais on voit qu'à l'instar d'Onéguine, elle n'a rien oublié. Si elle est maintenant heureuse, son regard se perd parfois dans le vide, esprit s'échappe. On la sent véritablement choqué lorsqu'elle se retrouve en face de celui qu'elle a tant aimé. Elle s'enfui presque aux bras de son mari avant d'avoir un mouvement de recul vers Onéguine.
Dès que l'on se trouve dans son boudoir on voit que ses sentiments sont clairs. Elle aime toujours Onéguine mais est déchirée entre raison et passion. Elle ne peut pas avoir d'avenir avec cet homme qui l'a rejeté, humilié même. Elle ne veut pas non plus ruiner sa vie de famille heureuse pour lui. Mais elle sait qu'elle aura du mal à lui résister.
Le pas de deux final entre Isabelle Ciaravola et Mathieu Ganio était d'un intensité incroyable. Tous les deux avaient le cœur déchiré et se sont donnés à 200%. La scène finale était d'une très grande force avec une Isabelle Ciaravola qui regrette immédiatement son geste d'avoir chassé Onéguine. Il n'a même pas quitté la pièce qu'elle se lance à sa poursuite. Son regard au public lorsqu'elle porte les mains son visage avant le cri final est déchirant.
A noter que ce passage à toujours le don de scotcher de public à son fauteuil et de faire taire les toux persistantes du parterre!
Le 28, la salle a offert un véritable triomphe à ses interprète avec de très nombreux rappels qui ont eu raison des techniciens prompts à rallumer rapidement les lumières pour signaler la fin des saluts. Mercredi, nous avons eu droit à trois rappels lumière allumée ce qui est suffisamment rare pour être signalé!
Ainsi ce termine ma série de ballets de décembre. Si Cendrillon c'est révélé à petite dose un agréable divertissement c'est du côté du Palais Garnier que se trouvait la véritable émotion.
Ce soir l'Opéra comptera peut être une nouvelle étoile à son firmament mais en attendant je vous souhaite un très bon réveillon et vous dis " A l'année prochaine!!".