Cette semaine de Don Quichotte fût pleine de rebondissements. Tout a commencé jeudi lorsque Karl Paquette a déclaré forfait pour sa représentation du soir créant un petit vent de panique chez les balletomanes. Heureusement pas de blessure pour l’étoile. Une blessure en revanche pour Pierre-Arthur Raveau qui après sa belle prestation du mercredi 5 décembre doit déclarer forfait pour le 8. Dommage. Mathilde Froustey se retrouve donc sans partenaire et privée de seconde date. Mais dimanche matin, coup de théâtre ! La sujet annonce qu’on lui a demandé le jour même de danser avec un nouveau Basilio, François Alu à la représentation de 14h30 !
Après une courte hésitation, je me rends à l’évidence : c’est le genre de représentation qui ne se manque pas ! Mathilde Froustey fût l’une des plus brillante Kitri de cette série et nul doute que l’annulation de la veille lui a donné suffisamment de rage pour nous offrir quelque chose d’explosif. François Alu de son côté est annoncé partout comme le petit prodige de la compagnie. Un statut pas facile à assumer mais le jeune homme semble garder la tête froide en témoigne son très joli discours lors des prix de l’AROP fin novembre. Après des prestations très remarquées lors des concours de promotion, sur la Bayadère ou la fille mal gardée le voilà propulsé sur l’un des rôles les plus difficile du répertoire classique tout comme Mathias Heymann en son temps. J’avoue qu’à l’époque la future étoile m’avait fortement impressionnée par ses prouesses techniques sans pour autant totalement m’emballer.
Mais revenons au 9 décembre ! C’est donc pleine d’espoir et d’excitation que j’arrive à Bastille pour découvrir cette distribution inédite.
Dès le lever de rideau, le public peut sentir qu’il va se passer quelque chose aujourd’hui. Quelque chose de grand ! Le corps de ballet est totalement galvanisé par cette distribution de petits jeunes. Il émane de la scène une énergie assez incroyable et inédite. Mathilde Froustey débarque sur le plateau comme un boulet de canon. Oubliées les petites hésitations de la prise de rôle. La jeune femme est folle de joie d’être sur scène et nous emporte par son énergie débordante. Elle est rapidement suivie par un François Alu qui prouve en une variation que toutes les attentes qu’il suscite ne sont pas exagérées. Le couple connait quelques problèmes de synchronisation sur son premier pas de deux mais qui n’entachent en rien la bonne humeur se dégageant de la scène.
Toute la troupe est emportée dans ce tourbillon. Chaque membre du corps de ballet est extrêmement investit tout comme le duo Espada/ danseuse de rue avec un Christophe Duquenne et une Sarah Kora Dayanova en très grande forme.
Au retour du couple star sur scène les approximations ont disparues et le public a droit à un festival de prouesses techniques portées par un jeu malin et une vraie complicité naissante entre les deux danseurs. François Alu prouve qu’il n’a rien à envier à Karl Paquette côté porté à une main lorsqu’il ballade sa partenaire à bout de bras sur la moitié de la scène.
Ce premier acte qui fût si long lors des précédentes représentations passe ici à la vitesse de l’éclair.
Le 2e acte, lui se traverse comme dans un rêve avec un pas de deux du moulin à la fois poétique et émouvant. Les gitans de leur côté étaient encore plus déchaînés que d’ordinaire. Leur scène a remporté des tonnerres d’applaudissements de la part du public. Le tableau des Dryades quant à lui a permit à Mathilde Froustey de réitérer son numéro d’équilibriste de mercredi avec une superbe variation de Dulcinée.
Aux vues des prouesses du 1er acte, le troisième était attendu avec la plus grande impatience. Le moins que l’on puisse c’est que les attentes déjà hautes ont largement été dépassées.
Tout à commencé avec une excellente et très applaudie scène de la taverne. Tout était très drôle et vivant. Il s’en passait de tous les côtés.
Le mariage a démarré très fort avec une superbe danse des toréadors et de la danseuse de rue. Mais les grandes stars étaient évidemment Mathilde Froustey et François Alu. Leur partenariat a très bien fonctionné et les variations furent le prétexte d’un véritable festival de pirouettes et sauts tous plus impressionnants les uns que les autres. François Alu a soufflé l’assistance avec des pirouettes à n’en plus finir, des sauts d’une hauteur, d’une propreté avec des réceptions d’un silence assez incroyable. Mathilde Froustey de son côté nous a ravi avec une impressionnante série de fouettés triples. De la danse flamboyante et décomplexée comme on aimerait en voir plus à l’Opéra.
Cette représentation est arrivée tellement soudainement que beaucoup sont malheureusement passés à côté et c’est bien dommage tant elle fût formidable. Je ne crois pas être jamais ressortie aussi enthousiasmée d’un ballet classique à l’Opéra de Paris avec l’impression d’avoir vu quelque chose d’unique. C’est ce que l’on aimerait voir chaque soir. De l’engagement, un enthousiasme débordant et une technique époustouflante. Honnêtement j’en suis restée bouche bée avec l’impression d’avoir totalement redécouvert le ballet. Les mots de me manquent pour décrire totalement mon enthousiasme face à cette représentation. Dommage d’ailleurs de se dire que les deux danseurs ne seront unis que pour cette unique date (même si j’espère le contraire !). François Alu est en tout cas à ne pas manquer sur le rôle de Basilio. Il est de loin le meilleur titulaire du rôle sur cette série. Quant à Mathilde Froustey, elle a prouvé avec cette Kitri à quel point son non classement au dernier concours de promotion était injuste. Tout le monde lui disait à l’époque que sa réponse serait sur scène avec Don Quichotte. Et quelle belle réponse...