Le lac des cygnes se fait trop rare à l’Opéra de Paris. Déjà 4 ans depuis la dernière reprise. À l’époque toutes les étoiles c’était faites porter pâles et Emilie Cozette avait récupéré la moitié des représentations. Cette année, le même phénomène est en train de s’observer sauf que cette fois c’est la sujet Héloïse Bourdon qui hérite des dates. On ne s’en plaindra pas !
L’Opéra de Paris possède une très belle version du lac pour ce qui est des actes blancs. Et en particulier un quatrième acte superbe, plein de mélancolie dans la danse des cygnes et avec un climax dramatique et prenant.
Les actes de cour paraissent toujours un peu longuets. À l’acte 1 les robes des demoiselles ont été changées et ce n’est pas du plus bel effet. C’était toutefois ma première représentation de la série aussi les petites longueurs ne m’ont pas du tout gênées. On en reparle en fin de série !
C’était hier Josua Hoffalt qui prêtait ses traits à Siegfried et ce fût une véritable réussite. Depuis un an l’étoile monte en puissance et s’affirme. Interprète inspiré il a offert au public un jeune prince très subtile et juste. On sentait tour à tour l’ennui, l’indécision, l’amour… Le tout était doublé d’une technique sans faute et vraiment plaisante à voir avec des sauts qui décollent (même depuis le 2e balcon), des réceptions nettes et de manière générale une aisance que l’on voit pas si souvent que cela sur les scènes parisiennes. Cela fait plaisir de voir des étoiles vraiment assurer.
À ses côtés le sujet Florimond Lorieux enfilait la cape de Rothbart. Je ne connaissais le danseur que via les concours de promotion et le voir dans un vrai rôle fût une très agréable surprise. Florimond est extrêmement charismatique et impose une présence forte et pesante sur l’ensemble du ballet. Un vrai investissement et une belle réflexion sur son personnage lui donne tout ce que l’on peut attendre de Rothbart.
À l’acte 2, arrive enfin Héloïse Bourdon dans le tutu d’Odette. On s’en doutait à la voir en concours ou galas, la jeune femme est faite pour danser le Lac. Et pourtant elle arrive à s’y révéler surprenante. Son cygne blanc est fragile, méfiant, mais la jeune sujet arrive à y apporter de nombreuses nuances que l’on ne lui soupçonnait pas. Comme pour ses deux partenaires masculins, le premier mot qui vient lorsque l’on pense à son interprétation est « juste ». Tout est intelligent, naturel et suffisamment fort pour susciter l’émotion.
Les trois danseurs étaient de plus au diapason. Le trio est très équilibré et chacun brille tout en mettant l’autre en valeur.
Le pas de trois du cygne noir représentait à ce titre le feu d’artifice de la soirée avec une débauche de très belle technique et un investissement évident. Les danseurs prenaient du plaisir et en donnaient énormément en retour.
Héloïse s’est montrée royale en Odile et a littéralement vampé l’assistance. À coup de regards charmeurs et d’équilibres à n’en plus finir elle a fait chavirer ses fans, le public en général et le cœur du prince.
Le ballet se conclu donc avec ce si bel acte 4, si bien construit qui donne une magnifique partition au corps de ballet féminin. Encore une fois, le trio principal c’est montré brillant offrant à ce final toute la grandeur qu’il mérite.
Un petit mot également sur les seconds rôles. Hannah O’Neill était lumineuse dans le pas de trois et on attend avec impatience sa prise de rôle en Odette/Odile. Hugo Marchand montre beaucoup de personnalité et j’espère avoir l’occasion de le voir très vite dans un rôle de premier plan (ayant raté son Casse-Noisette). Enfin les quatre petits cygnes ont remporté un beau succès mérité.
Pour conclure, nous avions droit hier à une distribution idéale pour ce lac avec des interprètes qui ont réussi à nous faire rêver au milieu de cette série un peu terne pleine de blessures et de changements. Le couple Hoffalt/Bourdon est hyper assorti. J’espère que la direction l’aura noté et pensera à les rassembler plus souvent.
Enfin, dans quelques semaine Héloïse Bourdon retournera dans le corps de ballet ce qui est tout de même assez incompréhensible après de telles prestations. L’illustration parfaite du « pourquoi le concours de promotion n’est pas adapté à la classe des sujets ».